Croix du Canigou

La croix du Canigou

Voici l’histoire de la croix du Canigou, montée par les scouts de La Real :

La première croix du Canigou, 1943

Nous sommes le 8 octobre 1942, première réunion de clan de l’année. Dix-neuf garçons s’entassent dans le local. Lors de cette réunion, le chef Joseph Tasias annonce « Nous allons fabriquer une croix et nous la monterons au sommet du Canigou ». En février 1943, les routiers commencent à forger la croix, le travail dure jusqu’au mois de juillet. Le dimanche 18 juillet 1943 « le pèlerinage entre dans la réalité ». En effet, ce camp est un camp-pèlerinage. L’objet en est de monter au pic du Canigou (alt. 2784 m) la croix qui vient d’être terminée. Les intentions du camp-pèlerinage sont : « libération de la France (matérielle et morale), retour des prisonniers et des Français au STO, christianisation de la France ». Des grâces spéciales ont été demandées pour chaque participant en particulier, pour tous les scouts en général et pour que le Roussillon soit placé sous le signe du Christ.

La croix forgée par Georges Margouet

La croix pèse 112 kilos auxquels il faut rajouter 200 kilos de ciment pour l’élaboration du socle. De plus, il faut emporter le matériel de camp, de cuisine, des pelles, des truelles, des massettes, du bois pour le coffrage du socle et, surtout, du ravitaillement pour toute la durée du pèlerinage (le point de ravitaillement le plus proche étant à dix heures de marche). La « Tortue », chariot de troupe (ancien caisson de mitrailleuse transformé) fut donc frétée pour ce camp.

Le départ est donné ce fameux dimanche 18 juillet juste après la cérémonie des vêpres où la croix, les pèlerins et la « Tortue » ont reçu la bénédiction de l’abbé Vaquer, curé de La Real. À 19h20, tout le monde est dans le train pour Prades. La première étape du pèlerinage est l’abbaye de Saint-Michel de Cuxa. Le lendemain, lundi 19 juillet, la route vers Taurinya est faite pieds nus et en silence. En fin de journée, l’échelle de l’Ours est franchie difficilement, après avoir traversé Taurinya, passé par le col de Millères et la fontaine du Loriot. Le repas du soir a été pris à 17 heures afin que le feu soit éteint avant la nuit pour éviter de se faire repérer par une patrouille allemande.

Il faudra toute la journée du mardi 20 et la matinée du mercredi 21 juillet pour atteindre enfin le chalet des Cortalets à 13h30. À 15 heures, après le repas, les scouts laissent « la Tortue » au camp de base et forment deux équipes de six. L’une porte la croix le plus haut possible, et l’autre du ciment et de l’eau jusqu’au sommet qu’elle laisse dans la cabane Arago, alors encore en place. La croix arrive à mi-chemin entre le pic Joffre et les « éboulis ». Elle est déposée là, car le mauvais temps ne permet plus d’avancer. En dépit du fait d’avoir peiné, souffert du froid et aussi de ce bâton qui mordait l’épaule, les routiers gardent en eux une flamme de joie et cette fierté scoute du devoir accompli…

Le lendemain, jeudi 22 juillet, après un réveil à 7h30, la messe est dite dans la forêt près du chalet des Cortalets à 8h30. Deux routiers descendent à Prades chercher le pain et à Saint-Michel prendre le vin. À nouveau, deux équipes s’organisent, une avec le ciment et l’autre avec la croix. La première a à peine le temps d’arriver au pic que la pluie redouble et contraint tout le monde à redescendre aux cortalets.

C’est le vendredi 23 juillet, que la croix est montée au pic. À 14 heures débute le chemin de croix et ses quatorze stations. Les scouts vont revivre la passion du « Maître », la Passion du Christ. Ainsi, la croix arrive à 17 heures présices au sommet, soit à 15 heures solaires, un vendredi !

Le samedi 24 juillet, profitant d’un peu de beau temps, l’abbé Sans dit la messe au pic. Puis les scouts commencent à préparer le socle. Le travail avance, mais le manque d’eau pour le béton et l’heure tardive les contraignent à rentrer au chalet. Sauveur dit qu’avec l’humidité de la nuit cela suffira…

Le dimanche 25 juillet, après une messe au chalet, ils repartent vers le pic, chargés de ciment et de seaux d’eau, mais le socle de la veille n’a pas tenu ! Il est reconstruit juste au-dessus du point géodésique. Tasias dirige les opérations et joue au maître-maçon, Sauveur u*quant à lui est toujours à faire son béton. Les autres cherchent des pierres adéquates que le Castor, Jo Tasias, réclame ! Ils vont en ramasser dans la cheminée. Le socle prend forme et s’élève. Il se fait tard, mais le chef ne veut pas repartir sans avoir dressé la croix. À 21h30, ils peuvent la lâcher ! Ils repartent ensuite dans l’obscurité vers le chalet.

Afin de ne pas perdre les bonnes habitudes, lundi 26 juillet, le réveil sonne à 7 heures. Après une toilette rapide, ils filent à la messe. Malgré le temps incertain, Ils montent joyeux à la croix. Le travail du socle doit être achevé, ils bouchent toutes les fissures afin que le gel ne puisse le faire éclater. Vers 11 heures la croix est définitivement érigée et son socle terminé ! Alors, de joie et en action de grâce, les routiers poussent un retentissant  » Notre Dame Montjoie ! « 

Au matin du mardi 27 juillet, le réveil sonne un peu plus fort que d’habitude, tout le monde monte bénir la croix et assister à la messe au pic. Ils arrivent au sommet par la brèche Durier à l’aide d’un lasso pour s’assurer. Après avoir cherché un endroit pour dresser l’autel, ils le mettent finalement sur la table d’orientation. Quelle belle messe ! Là, devant la croix ! Le père bénit la croix, bénit et sanctifie les efforts, mais plus encore, il bénit tout le Roussillon et le place sous le signe de la croix.

Le dernier matin, mercredi 28 juillet, après un déjeuner froid, une fois les sacs et la « Tortue » prêts, tout le monde redescend joyeusement. À 11 heures, ils sont au col de Millères et à 18 heures, ils prennent le train de Prades pour arriver à Perpignan vers 20 heures. La « Tortue » en tête, ils remontent fièrement vers La Real, où un grand nombre de fidèles sortant d’une cérémonie les salue et les félicite…

Participants :

Routiers : Joseph Tasias (chef de clan), Aimé maillol (chef d’équipe), Maurice Marty (second d’équipe), François Da Silva, Albert de Masia, Roger Estève, René Loos, Pierre Caillens, Paul Sivieude, Marc Pateu, Sauveur Regincos.

Eclaireur : Pierre Cazottes (chef de patrouille), Charles Bille (second de patrouille)

Maîtrise : Carmen Tasias (cheftaine de meute)

Civils : Victor Coca (citoyen espagnol), 43 ans, serrurier et Augustin Longas (citoyen espagnol), 17 ans, apprenti serrurier

L’aumônerie était assurée par les abbés Guma (vicaire de Saint-Matthieu, aumônier auxiliaire du clan) et Durand (aumônier du Nord en convalescence). Assistait au camp l’abbé Vincent Ferrand (séminariste).

La deuxième croix du Canigou, 1961

Le 3 juillet 1960, Castany, un ancien scout de la 4ème Perpignan, annonce que la croix de 1943 a disparu du sommet du Canigou. Après enquête, on découvre que l’auteur de cet acte stupide est un employé du service géographique qui l’a dynamitée, puis a jeté les débris dans le vide. Le clan décide par respect pour les anciens et pour montrer sa valeur, de forger une nouvelle croix en remplacement de l’ancienne.

Les 8 et 9 octobre 1960, les débris sont retrouvés. Les scouts décident de la réparer et de la donner à la communauté religieuse de Saint-Jean-de-l’Albères à côté du Perthus où elle se trouve toujours.

La construction de la nouvelle croix est rapidement engagée. Elle est plus lourde que la première, mesure 1,80 mètre hors socle pour une envergure d’un mètre. Elle est fabriquée avec du fer carré de 25 millimètres pour les montants et les bras, et des bandelettes de 25 x 8 millimètres pour les volutes. Le tout est martelé à froid, ajusté à mi-feu, fraisé, monté et soudé comme l’avait été la précédente. Le clan décide en plus de fabriquer un autel au sommet pour célébrer la messe. Pour financer une partie de cette entreprise, le clan forge et vend des petites croix scoutes.

Cette fois-ci, pour ne pas prendre de risques, Pierre Cazottes, alors commissaire de district des Scouts de France, demande à l’ingénieur des Eaux et Forêts l’autorisation d’occuper une concession de 5 mètres carrés dans la partie sud-est de la plateforme sommitale, située sur le territoire de la commune de Casteil, pour y installer la croix.

Les 17 et 18 juillet 1961, le clan monte 600 kilos de matériel pour la réalisation du socle et de l’autel. Le samedi 29 juillet 1961, après la bénédiction par l’abbé Carbon, l’abbé Comes et l’abbé Sabaté, la croix est montée en jeep jusqu’au chalet des Cortalets.. Elle est ensuite placée sur un châssis fait avec une roue de brouette, invention de dernière minute assemblée la veille. Entre 19 et 23 heures, elle est transportée du chalet à la « Porteillette » près du pic Joffre, par quatre équipes : une première d’anciens suivie de trois de jeunes.

À 4 heures le dimanche 30 juillet, une équipe s’éveille pour quitter le chalet vers 5 heures. Les équipes vont se succéder d’heure en heure, les unes portant le sable, le ciment et l’eau, les autres du matériel ou le ravitaillement. Le groupe s’étire lentement sur le chemin du pic avec en tête Béranger Gommes, maître d’oeuvre et créateur du châssis porte-croix. C’est un groupe important qui est constitué vers 7 heures et qui se relaye jusqu’au sommet. Si le chemin est correct, le châssis est tiré et roule sur sa roue, trois gars sont « attelés » devant et trois autres le soutiennent de chaque côtés.

Chariot de dernière minute

Dès qu’il y a un obstacle, il est porté. Le trajet se déroule sans incident, très vite, avec à peine quelques égratignures. Le groupe arrive à 7h40, surpris de sa rapidité. Une fusée est lancée ; elle annonce aux amis encore au chalet l’arrivée de la croix au pic. Béranger Gommes s’est déjà mis au travail et commence à la sceller. À 11 heures, l’abbé Sabaté célèbre la première messe devant la nouvelle croix et une nombreuse assistance. Après le départ de la foule, seuls restent au sommet le service de nettoyage et deux guides aînées chargées de passer au minium, sorte d’antirouille, tout ce fer assemblé. Leurs vêtements garderont longtemps le rouge souvenir de leur travail. Le lendemain, lundi 31 juillet, deux volontaires remontent au pic pour peindre la croix. Si le transport a été facile, la fabrication de cette nouvelle croix et l’organisation du clan ont été longues et ingrates, s’échelonnant sur de nombreux mois.

En 1966, la croix vacille et son socle menace de se démanteler. Quatre anciens de 1961, André Miquel, Guy Miquel, Bernard Courrieu et Jocelyn Pique, décident de refaire le socle en le ferraillant. Le Cercle des jeunes monte alors les matériaux fournis par M. Uteza.

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Participants à la montée de la deuxième croix : 

Routiers :

Maîtrise : Joseph Tasias (chef de clan), abbé Sabaté (aumônier) et Guy Bordas (assistant chef de clan)

Equipe Paul Coze : André Miquel, Bernard Courrieu, Jocelyn Pique, Maurice Richard, Georges Carbasse et Christian Guitard.

Equipe Guy de Larigaudie : Jean-Paul Lacroix, Pierre Saule, Francis Fabre, Michel Vernet, Jean-Pierre Remy et Michel Rolland.

Equipe Charles André : Pierre Antoine, Christian Bonfill, Guy miquel, Jean-Louis Fortuny et Jean Valat.

Anciens : Pierre Cazottes, Antoine Colom, Joseph Cubells, François Da Silva, Albert De Massia, Roger Delonca, Esteve, Ferran, Paul Gahagnon, Guy Garau, Edouard Gauthier, Robert Grégoire, Abbé Guma, René Loos, Henri Loupias, Sala, Georges serrat, Paul Sivieude, André Villaros, Maurice Marty, Tisane, Piquemal.

Autres (matériel, dons, subventions, etc.) : M. Gomme, M. Donnezan, syndicat d’initiative de Vernet (M. Raynier), Gilbert Bernard, M. Vila Paladio, M. Ricart, cheftaine Cestac, M. Margouet, M. Chaumeil, M. Vergès, Jean-Pierre Butte, Henri Sagols

Invités : le Club Alpin Français (sections de Perpignan et de Prades), le Cercle des jeunes, les éclaireurs de France, les éclaireurs unionistes, le Cercle excursionniste de Catalunya et le 2ème groupement catalan.

Invités officiels : Préfecture, évêché, mairie de Perpignan, M. Gervais, armée, Eaux et Forêts (M. Michel), Institut géographique national, conseil général, mairie de Vernet et syndicat d’initiative (M. Raynier) et la mairie de Casteil.

À la suite de la montée de la deuxième croix au Canigou, le chef de clan Joseph Tasias (Vieux Castor Catalan) promet à ses routiers un camp en Italie en récompense de leurs efforts. La promesse est tenue en 1963, à l’occasion du camp de Pâques qui se déroule du 1er au 10 avril. Le clan et la troupe visitent Pise, Rome, Assise et Florence. C’est le premier camp important à l’étranger pour des unités de La Real, avant les camps de troupe franco-allemands à la fin des années 1960. Parmi les souvenirs laissés par ce camp, il y a la rencontre édifiante à Rome avec les premiers représentants des pionniers issus de la réforme de la branche éclaireur. D’après le témoignage de Roger Delonca (Ouistiti Cocasse), alors chef de groupe, ce premier contact eut son importance dans le choix de La Real de ne pas appliquer la réforme : « Nous étions choqués. Leur aspect négligé faisait mauvais effet. Cela a eu sur nous une influence et mit un point final à l’ouverture. Nous n’avons plus jamais recherché à entrer en contact avec des pionniers lors des camps ».

La croix du Canigou, Dominante du Pays Catalan

Du haut de ses 2785 mètres d’altitude, plus de 25 000 personnes passent devant chaque année, connaître son histoire permet de la faire vivre le plus longtemps possible !

Merci à tous d’avoir lu cette histoire et de la partager autour de vous !